Éradication d’une maladie : qu’elle est-elle et où en est-on dans le monde ?

L’éradication totale d’une maladie infectieuse reste un événement rarissime dans l’histoire de la santé publique. Sur des centaines d’agents pathogènes connus, seuls deux ont officiellement disparu à l’échelle mondiale : la variole humaine en 1980 et la peste bovine en 2011.

Les tentatives pour éliminer d’autres maladies, telles que la poliomyélite ou le paludisme, illustrent la complexité de ce défi. Résistances aux traitements, mutations rapides des agents pathogènes et difficultés logistiques freinent la progression. Les progrès de la biologie synthétique ouvrent cependant de nouvelles perspectives dans la lutte contre ces fléaux persistants.

Comprendre l’éradication des maladies : définition, enjeux et perspectives mondiales

Effacer toute trace d’un agent infectieux sur Terre : voilà l’ambition stricte de l’éradication. Sur ce plan, la variole reste l’unique réussite absolue. En 1980, après une campagne de vaccination sans précédent organisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la maladie s’efface du quotidien humain. Ce chapitre exemplaire s’explique par trois facteurs-clés : le virus n’avait pas de réservoir animal, sa structure était stable et le vaccin élaboré par Edward Jenner était efficace.

Pendant longtemps, la poliomyélite a semé la peur en Europe et en France. Depuis le lancement de l’initiative mondiale pour son éradication en 1988, la maladie ne survit plus qu’à l’état de résidu, centrée sur l’Afghanistan et le Pakistan. Mais rien n’est jamais gagné : la couverture vaccinale reste inégale et la circulation de variants issus de vaccins continue de compliquer la tâche.

Impossible de viser l’éradication sans rassembler tous les acteurs autour d’une volonté sans relâche. Campagnes massives, implication des États, pilotage de l’OMS et soutien logistique des bailleurs de fonds internationaux forment le socle nécessaire. L’exemple français et européen prouve qu’une politique cohérente et la persévérance finissent par porter leurs fruits. Reste à savoir jusqu’où la science et la coopération internationale pourront aller dans cette lutte contre les maladies infectieuses.

Pourquoi certaines maladies sont-elles plus proches de l’éradication que d’autres ?

Certaines maladies offrent moins de prise que d’autres à l’éradication, comme le prouve la variole. Elle ne touchait que l’homme, sans relai animal, ce qui permettait de briser la chaîne de transmission. Face à des virus ou parasites qui infectent aussi l’animal, paludisme, fièvre jaune…, il devient presque impossible de les éliminer : un réservoir animal subsiste toujours pour redémarrer la propagation.

Il suffit d’un vaccin robuste, simple à produire et à conserver, administrable à grande échelle pour transformer le combat. Celui de la variole a rempli ces conditions. À propos de la polio, le choix du vaccin a divisé les experts : le vaccin oral, facile à utiliser là où la logistique est limitée, a largement été préféré, malgré l’émergence très ponctuelle de virus dérivés de la souche vaccinale, qui peuvent persister dans la communauté.

Autre contrainte : le mode de contamination. Prenez la rougeole, propagée par voie respiratoire, dans des régions difficiles d’accès ou instables, la couverture vaccinale doit y frôler le maximum, avec une vigilance sans relâche. Les campagnes menées au Bangladesh ou sur le continent africain montrent toute la difficulté à ne laisser aucun enfant à l’écart du système de surveillance et de prévention.

Pour espérer avancer dans cette bataille, seule la combinaison de trois forces compte : l’engagement de l’OMS, la coordination des gouvernements, et surtout la dynamique locale. La France puis l’Europe, débarrassées du spectre de la polio, en ont fait la démonstration : sans science, volonté politique et adhésion du public, l’éradication reste hors d’atteinte.

Paludisme et poliomyélite : où en est la lutte aujourd’hui ?

Le paludisme, transmis par le moustique du genre Anopheles, tue encore massivement, principalement en Afrique subsaharienne. S’il y a des progrès, distribution massive de moustiquaires ou traitement antipaludique, le combat est loin d’être gagné. Pas de vaccin universel, parasites et moustiques de plus en plus résistants aux traitements et insecticides : l’adversaire évolue. Chaque année, la maladie fauche plus de 600 000 vies, surtout chez les enfants. Les statistiques sont sans appel : la République démocratique du Congo, le Nigeria et le Burkina Faso portent le fardeau des contaminations à l’échelle mondiale.

La poliomyélite, elle, avance vers sa disparition. Le virus sauvage ne subsiste qu’en Afghanistan et au Pakistan. Les campagnes de vaccination orale ont permis une chute spectaculaire des cas, mais l’apparition de virus issus de souches vaccinales (« cVDPV ») freine les efforts, notamment en Afrique et à Madagascar. L’efficacité de la surveillance sur le terrain et l’accès au vaccin, couplées à la nécessité de regagner la confiance d’une population parfois défiance à l’égard de la vaccination, feront la différence.

Pour mieux situer l’état des lieux, certains chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • En 2023, moins de 20 cas de poliovirus sauvage ont été enregistrés dans le monde.
  • Chaque année, plus de 240 millions de personnes reçoivent un vaccin contre la polio.

Il reste à maintenir la pression collective : l’action conjointe de l’OMS et de ses partenaires est la seule garantie pour franchir le dernier obstacle sur ce chemin.

Un enfant et son parent souriants reçoivent un certificat de vaccination en plein air

Biologie synthétique et santé publique : de nouveaux espoirs pour l’éradication ?

La biologie de synthèse trace une nouvelle voie dans la lutte contre les maladies infectieuses. L’idée : manipuler ou construire sur mesure des séquences génétiques, afin de créer des vaccins, organismes ou molécules capables de stopper les agents pathogènes les plus coriaces. Déjà, les exemples se multiplient : vaccins à ARN messager, élevages de moustiques incapables de transmettre la maladie, innovations jamais vues pour couper court à la transmission.

Dans cette dynamique, des acteurs majeurs se distinguent : le CDC aux États-Unis, l’Institut Pasteur à Paris ou le CNRS en France, chacun cherchant à concevoir les solutions qui pourront inverser le rapport de force. Pour le paludisme, la dissémination de moustiques stériles ou non-transmetteurs du Plasmodium s’affirme comme une piste de rupture, même si elle n’a pas dépassé la phase exploratoire. Déjà, la possibilité de préparer en quelques semaines des vaccins personnalisés, rendue possible par la biologie synthétique, donne aux équipes de santé publique de quoi réagir avec rapidité face à des variants inattendus.

Les échanges s’intensifient entre laboratoires Canadiens et Britanniques, autour de technologies capables de livrer des prototypes de vaccins en un temps record, même contre des virus insaisissables. Ce niveau d’agilité permet de s’adapter à l’émergence ou à la mutation rapide des menaces. Toutefois, chaque progrès technique entraîne son lot de débats : encadrement éthique, régulation du génie génétique et partage des bénéfices, autant de questions qui restent sur la table.

Demain, la grande aventure de l’éradication devra s’écrire à la croisée de la rigueur scientifique et du choix collectif. La disparition des fléaux d’hier n’est sans doute pas pour aujourd’hui, mais le possible, désormais, s’invite sérieusement à la table.

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