L’Organisation mondiale de la santé avance un chiffre qui claque comme un signal d’alerte : plus de deux milliards de personnes manquent de micronutriments indispensables. Tandis que l’ultra-transformation envahit les étals dans certains pays, les taux de diabète et d’obésité s’emballent, mais la sous-nutrition, elle, refuse de disparaître.
Le décalage entre quantité de nourriture disponible et qualité réelle de ce qui finit dans l’assiette s’élargit à vue d’œil. Les stratégies publiques se débattent face à la double menace de la malnutrition et des maladies chroniques, accroissant la fragilité des populations déjà exposées.
Nutrition et santé publique : un défi majeur dans les pays en développement
Dans de nombreux pays à revenus limités, la malnutrition continue de frapper, malgré quelques avancées. Les données de l’OMS et de l’UNICEF dressent un tableau net : près de 149 millions d’enfants de moins de cinq ans affichent encore un retard de croissance, conséquence directe d’une alimentation inadaptée. Les carences en fer, en zinc ou en vitamine A minent les défenses immunitaires et brident les capacités intellectuelles, plongeant des pans entiers de la population dans une vulnérabilité persistante.
Les chercheurs de l’Inserm et de l’Anses mettent en garde : l’urbanisation effrénée bouleverse les habitudes alimentaires, exposant ces sociétés à une double peine. D’un côté, la sous-nutrition s’accroche, de l’autre, les maladies dites liées à la transition nutritionnelle gagnent du terrain. L’essor de l’agroalimentaire industriel et la généralisation des aliments ultra-transformés ouvrent la voie à de nouvelles épidémies : obésité, diabète de type 2, troubles cardiovasculaires et hypertension s’installent durablement.
Les chiffres-clés à retenir
Quelques données illustrent l’ampleur du phénomène :
- D’après le Programme national nutrition santé (PNNS), la part d’enfants obèses a doublé en vingt ans dans certaines zones d’Afrique subsaharienne.
- Dans ces mêmes régions, près de 21 % des enfants souffrent d’un retard de croissance.
Face à ces constats, la recherche se mobilise. La cohorte NutriNet-Santé et les équipes de l’EREN s’attachent à décrypter les liens entre nutrition et santé, pour guider les choix politiques. L’objectif : améliorer la qualité de l’alimentation via des programmes précis, impliquant tant les autorités nationales que les acteurs locaux et internationaux.
Quelles maladies nutritionnelles émergent d’une alimentation déséquilibrée ?
Certains troubles s’installent sournoisement, portés par une alimentation déséquilibrée, saturée en produits industriels, pauvre en fibres, micronutriments et diversité. L’obésité occupe le devant de la scène, touchant adultes, enfants et adolescents. La probabilité de surpoids grimpe, tandis que les diagnostics de diabète de type 2 se multiplient et concernent parfois des personnes de plus en plus jeunes.
Les maladies cardiovasculaires s’ajoutent à la liste des conséquences : trop de sel, de graisses saturées, pas assez de fruits ni de légumes… Le mélange favorise l’hypertension, les accidents vasculaires et l’infarctus. Les analyses de l’Inserm et de l’EREN désignent les aliments ultra-transformés comme des acteurs majeurs de cette progression, pointant leur lot d’additifs, de sucres cachés et parfois de composés perturbant le système endocrinien.
La déficience nutritionnelle n’a pas disparu pour autant. Chez l’enfant, la dénutrition freine le développement et laisse la porte ouverte aux infections. Chez l’adulte, elle accélère la perte musculaire et affaiblit l’immunité.
D’autres pathologies, plus insidieuses, se profilent. Certains cancers digestifs, par exemple, sont aujourd’hui associés à une consommation régulière de charcuteries, d’aliments transformés ou à l’exposition à des résidus de pesticides. La santé publique doit donc surveiller non seulement la valeur nutritionnelle, mais aussi la composition chimique des produits alimentaires.
Des pistes pour agir face à la malnutrition et ses conséquences
La lutte contre les maladies nutritionnelles se joue sur plusieurs fronts. En premier lieu, il s’agit de promouvoir une alimentation équilibrée, centrée sur les fruits et légumes, tout en limitant les produits sucrés et le sel. Les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS) appellent à diversifier l’alimentation et à réduire la place réservée aux aliments ultra-transformés, véritables indicateurs de déséquilibre.
Des outils comme le Nutri-Score aident à orienter les choix des consommateurs, à condition que les messages soient clairs et que l’industrie joue la carte de la transparence. L’étiquetage nutritionnel s’accompagne d’une vigilance accrue face au marketing alimentaire qui cible en particulier les plus jeunes. Plusieurs études de l’Inserm et de l’Anses mettent en évidence le lien entre l’exposition aux publicités pour des produits trop sucrés ou salés et l’augmentation de leur consommation.
Sur le terrain, plusieurs solutions se dessinent pour améliorer la situation :
- Le développement de l’agriculture biologique et des circuits courts permet d’enrichir la qualité nutritionnelle des aliments et de limiter les résidus chimiques.
- Les cantines scolaires et les employeurs ont la possibilité d’agir concrètement, en proposant des menus variés et en encourageant la pratique d’une activité physique régulière.
Le régime méditerranéen, documenté par la cohorte NutriNet-Santé, illustre la force d’une approche globale : céréales complètes, produits laitiers fermentés, poisson, huiles végétales et légumineuses contribuent à renforcer le microbiote intestinal et à freiner l’apparition des maladies chroniques. Ajuster ses comportements alimentaires dépasse la simple question individuelle : il s’agit d’une démarche collective, au croisement de l’éducation, de la recherche et d’un engagement partagé.
Face à ces enjeux, un choix s’impose : laisser la malnutrition dicter sa loi ou bâtir, repas après repas, une santé plus solide pour tous. Le terrain est vaste, la bataille ne fait que commencer.